Loi immigration : explications

assemblée nationaleLe jeudi 21 décembre 2023

Ces dernières semaines ont été agitées à l’Assemblée nationale. En cause, un débat parlementaire sur le thème de l’immigration qui aura nourri toutes les passions de part et d’autre de l’Hémicycle.

Le projet de loi du gouvernement, très remanié, a finalement été adoptée par l’Assemblée nationale le 19 décembre, à l’issue de plusieurs jours de grande tension. Dans cet article, je reviens sur ce qui s’est passé dernièrement.

Depuis plusieurs mois, le gouvernement travaille sur un texte de loi visant à la fois à mieux encadrer l’immigration et améliorer l’intégration, notamment par le travail.

Courant avril, le Sénat a débattu de ce projet de loi et a adopté un texte très différent de celui proposé par le gouvernement. Celui-ci comportait de nombreux ajouts au texte initial, visant à modifier le code de la nationalité ou encore à supprimer l’Aide médicale d’État (AME).

Cet automne, je me suis fortement mobilisée, avec d’autres collègues de la majorité, pour dénoncer la remise en question de l’AME et défendre la régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension. Je crois en effet que la version du texte proposée initialement par le Gouvernement était plus équilibrée que celle du Sénat, qui remettait en question des dispositifs que je crois nécessaires.

Très impliquée sur le sujet de l’immigration depuis le début de mon premier mandat en 2017, j’ai assuré le rôle de rapporteure pour avis du budget de la mission asile pour les projets de loi de finances des dernières années. J’ai eu également l’honneur d’avoir été choisie par mes collègues pour être co-rapporteure du projet de loi immigration sur le titre Ier du texte, visant à améliorer l’intégration par la langue et le travail.

Dans ce cadre, j’ai auditionné de très nombreux acteur associatifs, chercheurs, spécialistes dont les réflexions et propositions m’ont permis d’éclairer les travaux de la Commission des lois de l’Assemblée qui examinait le texte remanié par le Sénat. Nous avons donc débattu les milliers d’amendements déposés en commission et adopté un texte qui, je le crois, était équilibré, avec un volet intégration fort et un volet plus répressif. L’AME a par exemple été maintenue et le délit de séjour irrégulier ou des mesures visant à rallonger des délais de regroupement familial supprimés. Une fois voté en Commission, ce texte, fruit d’un compromis, devait être débattu et voté en séance publique.

Toutefois, par un jeu politique et une alliance entre l’ensemble de la gauche, l’extrême-droite et la complicité du groupe Les républicains, une motion de rejet déposée sur le texte a été adoptée en séance publique. Le mécanisme de la motion de rejet permet, si elle est adoptée à la majorité des voix, de ne pas examiner un texte et le considérer comme rejeté. Notre texte, issu du débat parlementaire du Sénat et de la Commission des lois de l’Assemblée a donc été rejeté sans débat en séance publique : les députés ont donc refusé de débattre sur le fond de ce texte !

Face à ce rejet, le Gouvernement a donc décidé de réunir les parlementaires en Commission mixte paritaire (CMP). La CMP est composée de sept sénateurs et sept députés, représentatifs des équilibres politiques dans chaque chambre. J’en faisais partie et y défendais la position de mon groupe démocrate.

Avec mes collègues, nous avons donc été contraints de retravailler le texte issu du Sénat, sans pouvoir reprendre le travail en commission de l’assemblée. Il comportait donc des mesures auxquelles j’étais opposée et qui avaient été supprimées en Commission des lois. Après de rudes négociations, et en accord avec le mandat de mon groupe parlementaire, j’ai voté le texte final de la CMP. Poursuivant son parcours législatif, ce nouveau texte de compromis a été proposé au vote en séance publique à l’Assemblée. Alors que le groupe Rassemblement national s’était positionné contre ce projet de loi depuis le dépôt de ce texte, les députés du RN ont finalement décidé de le voter afin de déstabiliser la majorité et s’approprier les avancées qu’il contenait alors qu’ils n’ont cessé de dénoncer comme étant « immigrationiste ». Comme nombre de mes collègues, je n’ai pas pu me résoudre à associer ma voix d’élue, de parlementaire, et de citoyenne, à celle de l’extrême-droite sur un texte portant sur l’immigration. De même, des mesures visant à faciliter la régularisation des travailleurs sans-papiers ainsi que l’interdiction des mineurs dans les centres et locaux de rétention ayant été introduites dans le texte final, je ne pouvais pas voter contre. De ce fait, je me suis abstenue.

Les débats ont été rudes et des incertitudes ont demeuré jusqu’aux derniers instants. Il faudra tirer les leçons de cet épisode et des projets sur l’année qui vient. Nous aurons de nombreux textes qui nous attendent à la rentrée.